de Perse en Iran . 5
été 1966
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Loin des villes de faïence, le Sud Iranien est un monde oublié ...
passé les monts du Zagros, bien après Chiraz, l'air est déjà fournaise lorsque paraît l'aurore.
Les vagues du désert recouvrent les traces de la piste, le ciel est si chaud et si poussiéreux
qu'il en est uniformément gris ... une caravane passe au pas lent et souple des chameaux...
fiers, tristes et rêveurs les rois du désert grattent le sol avec obstination à la recherche
de quelques racines à peine humides, à peine juteuses.

Là où il y a un point d'eau, c'est aussitôt une oasis, des fantômes noirs viennent puiser
dans des cruches de terre ou de métal, une eau chargée de sable, jaune et précieuse ...
une silhouette s'enfonce le pas rythmé par l'ombre striée des palmes.
Des gosses grouillent, braillent apeurés, gamins en pyjama, fillettes dans leurs robe rouges fripées,
les yeux remplis de vie sauvage .
Dans ce pays austère tout ce qu'offre la nature a une immense valeur,
à dix pieds du sol les grappes de dattes s'agglutinent. 
Le tronc est prévu par Dieu pour l'escalade et l'homme est né écureuil. .
Le bourricot indifférent lampe l'eau rafraîchie par la touffe d'ombre du palmier.

Dans les montagnes sauvages qui longent l'Irak et la Turquie, là où l'on se sent empoigné
par les griffes de la nature, le peuple kurde, résolu, vit dans le refus du pouvoir central.
Dans les steppes désolées les tribus insoumises installent, le temps d'une saison,
le temps d'une moisson, de sinistres tentes noires où s'entassent toute une famille.
Façonnés à l'image de la plus revêche des natures, les kurdes forment un milieu passionnant
dans lequel subsiste la sublimité des époques passées.  Nous sommes là revenus en pays persan ...
Dans ces visages tannés transparaissent les traits des héros des empires disparus.

Le temps suit la vie au rythme du soleil ... une vie sans histoire, de la source au village,
du village à la source ...
Depuis des milliers d'années, les mêmes gestes se répètent, suivent les générations.
Les mêmes robes fleuries peuplent les places des villages.
Les mêmes femmes s'accroupissent sur les mêmes pierres pour battre dans le djoub,
les mêmes robes aux longs pans flamboyants.
La brune Zhari retrouve pour laver la laine du troupeau les gestes familiers que lui a légué sa mère.

 

Dans les traits accusés des femmes kurdes, la Perse nous accapare, nous soudoie, nous enthousiasme,
retour aux sources d'un peuple souverain qui se garde des invasions…
rejette les séquelles du progrès comme les prémonitions de la soumission.
Garder toutes les richesses d'une vie simple calquée sur la nature,
n'est-ce pas offrir la protection la plus chère ... la liberté de l'âme.
Nous découvrons avec ces êtres chaleureux un bonheur indicible,
une joie puérile, ardente et communicative.

L'enfance déprimée se prend à espérer... un peuple sensible, fin,
profondément individualiste bouillonne dans le sang neuf qui s'épanouit.
De Perse en Iran, un chemin malaisé s'offre à une jeunesse fougueuse à mesure que tombent les voiles,
les trompeuses apparences, surgit le besoin immodéré de réussir dans cette génération la jonction
des valeurs anciennes et des exigences d'aujourd'hui ...

Persanes d'hier, Iraniennes de demain, conservez dans votre quête d'évolution ce charme étrange
qui a su auréoler de grâce vos mères et vos aïeules !
     
 

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texte et images 1966

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2008fev