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En pays d'Aragon...
Toussaint 2002 (du 25 octobre
au 2 novembre)
Au Pays d’Agadaragon, il avait deux garçons qui aimaient les glaces
vanille.
Pour ces vacances de Toussaint, nous avions envisagé le Portugal ou la
Bretagne,
mais la recherche vitale du soleil nous a fait préférer l’Aragon. Avec
l’espoir que cette pointe d’humour pour Boby nous aide à oublier les
grandes eaux de cet été.
Et ce fût le cas !
Après une longue semaine d’attente et de préparatifs, le « domobile »
s’ébroue ce vendredi vers 18 h 30, avec à son bord, Dany, Philippe,
Maxence (12 ans) et son copain Olivier (13 ans), remplaçant Aymeric et
Vivien participant à un stage d’escalade au CAF.
Vers 22 heures, c’est l’arrivée au bivouac, le parking de Moudang situé
une dizaine de km
après St-Lary (65). Une halte idéale, hors saison, pittoresque, au
bord d’un torrent et avec commodités (en été le camping proche doit
s’imposer). Réveillé de bonne heure, je sors humer les senteurs
automnales, veillant à préserver le bon somme familial. Enivré par ces
foulées matinales, je découvre le chemin des granges de Moudang, pendant
plus d’une heure et demi.
Une piste en terrasse sinue dans les bois colorés de rouille et une
grimpette soutenue dégage progressivement un panorama de cimes enneigées.
Après quelques hésitations et un solide petit-déjeuner, l’objectif de la
journée s’impose sous cette météo radieuse : l’ascension
de Bataillance (2604 m) offrant ainsi l’occasion de faire découvrir la
montagne à Olivier.
Nous sommes les seuls à 10 h à l’entrée du tunnel de Bielsa quand
sonne le départ.
Nous longeons bientôt la grande cascade de Riou-Nère en imaginant nos 2
grimpeurs
(Aymeric et Vivien) dans le froid lors de leur stage « cascades de glace »
en janvier dernier. Heureusement, notre première halte est moins glaciale
et se déroule dès que le soleil
peut nous réchauffer.
Une montée franche sous soleil radieux, tout en prenant des raccourcis
hors sentiers, me fiant aux souvenirs de mes seules ascensions hivernales.
Dernier cirque où se dessinent Garlitz
et Bataillance, nous
visons le petit col entre ces deux pics. Mais voilà la neige, vierge et
dure, mon équipement succinct m’incite à la prudence et nous montons le
névé en bordure
des rochers, que nous préférons même à la fin car ils se révèlent moins
glissants.
Le col est atteint après un petit assurage de précaution. Le sommet, très
proche, nous nargue, mais étant donné la dureté du névé et l’absence de
crampons pour tous, la prudence s’impose. Profitons déjà du panorama qui
s’offre à nous et de la joie d’Olivier
pour cette première conquête.
Une cordée rapide, une descente sur sentier terminent agréablement cette
randonnée.
La halte est espagnole, Ainsa et sa Place Major. Un parking
immense, idéalement placé,
est découvert près de la citadelle (directions Casco historico et
aparcamiento dans le dernier virage). La visite nous conduit des ruelles
aux arcades, des remparts au haut du clocher, découvrant un panorama
unique sur le massif du Monte Perdido (Mont Perdu).
La soirée s’anime sous les lueurs lunaires et un dîner particulièrement
copieux est pris dans
un restaurant typique, peuplé de convives à la discrétion caractéristique
des groupes français
à l’étranger. Le réveil est serein, égayé des incertitudes du changement
d’heure. S’applique-t-il en Espagne ? Phil bricole réalisant même la
prouesse de s’injecter du dégrippant dans l’œil.
Et l’infirmière reprend du service, versant avec joie, des cuvettes d’eau
sur la figure de son homme. Nous prenons ainsi le temps d’acheter et
d’étudier, d’un œil, mais le bon,
une carte de la Sierra de Guara (Mecque des amoureux des canyons).
Ce deuxième réveil est encore plus féerique et le petit-déjeuner est
dégusté sous la garde
du Mont Perdu, du Pic de Niscle et des Trois Maria. Mais les fourmis
apparaissent déjà dans
les roues. Après le rituel du ravitaillement, dont
la boulangerie à la sortie d’Ainsa,
nous empruntons la direction d’Arcusa.
Le dépaysement se poursuit et nous découvrons
une Provence hispanique, au
relief et à la végétation typiques de la Méditerranée.
Villages perdus,
églises
et chapelles constituent les seuls repères de cet horizon
de garrigues
ensoleillées.
Le Rio Vero est notre premier canyon, nous descendons dans son lit à la
recherche des coups d’œil (il va bien, merci) les plus originaux. Max et
Olivier restent sur le parking, l’œil rivé
aux jumelles, tellement les rapaces sont abondants. Le mirador suivant est
splendide
et peut constituer un bivouac de choix. Une route sinueuse nous mène à
Alquézar,
sa citadelle restaurée et ses ruelles au charme Mozarabe.
  
Après le repas face au village, la visite nous fait découvrir une cité
accrochée aux parois,
aux voies d’escalade débutant presque en plein village. Nous négligeons,
cette fois, la superbe descente au Rio Vero (2 h AR jusqu’au pont de
Villacantal), pourtant fortement conseillée.
Une route très sauvage, en cul de sac, mène à Rodellar, lieu de
rencontre de tous les passionnés de canyons, varappe ou coins superbes.
Mais, les places de parking sont chères et, encore, nous sommes hors
saison.
Et à la surprise de Dany, je braille soudain « François !», un copain,
guide de haute-montagne
se profile au loin. Suit la découverte du coucher de soleil derrière la
silhouette du village accroché de Rodellar. La soirée se poursuit avec
François, et autour d’un vin hongrois, s’échangent les souvenirs, les
informations et les projets.
Pour nous, demain sera le Barranco de Mascun inférieur,
un des seuls canyons accessibles sans équipement spécial.
Le réveil sonne à 6 h 30, bon compromis pour Dany et les garçons. La virée
est décrite
dans un de mes bouquins de montagne et la carte du Parc naturel se révèle
précieuse.
Après la provision d’eau au robinet du centre du village, nous entamons le
sentier reconnu
la veille en soirée. A 8 heures, nous sommes seuls découvrant à chaque
contour des architectures naturelles stupéfiantes : une résurgence, une
arche digne du Wadi-Rum,
la Citadelle aux tourelles magiques, la Cuca de Bellosta (pic
effilé, mais la décence m’interdit
de traduire, en tout cas Bellosta était un homme bien pourvu qui habitait
un village voisin),
la « Bola », « el Zapato » (genre de soulier renversé)…
Et parfois il n’y a même plus d’eau du tout !
Croisement pour Otin, nous suivons le lit et les traces se font
plus rares. Bientôt l’eau réapparaît à notre grande joie. Premier verrou,
nous nous engageons dans une ébauche de sentier,
rive droite. Et ça grimpe sec, il faut souvent mettre les mains et
s’accrocher. Je regrette
d’avoir laisser la corde dans le coffre du Camping-car. Et bien vite nous
retrouvons le barranco, avec cette impression de bout du monde. Nos seuls
compagnons sont les rapaces
et principalement les vautours fauves, des dizaines investissent la
citadelle
ou les pics environnants. Ils semblent nous surveiller de loin.
Mais, soudain, quelle n’est pas notre surprise d’être attendus à la sortie
d’un bosquet !
Un vautour est là, immobile au milieu du sentier. D’abord avec précaution,
puis ouvertement
nous nous approchons et admirons, restant dans l’expectative pendant de
longues minutes.
Est-il blessé ou malade ?
Il nous suit de son œil vif quand nous passons près de lui à moins de 2 m.
Peut-être est-il le gardien de cette gorge surnaturelle, dont nous
poursuivons la découverte ?
Du soleil, enfin, car le canyon est profond et c’est le temps de la halte,
quelques vivres
et je m’immerge dans une vasque d’un vert aussi limpide qu’il en est
glacial.
Mais, en dépit de mon insistance je serai le seul à en profiter.
par ici
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