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Patrimoine en Meuse...
Samedi 21 septembre
Une fois de plus, nous rallions la Meuse et ses trésors cachés.
Les journées du Patrimoine offrent l’occasion d’entrer dans des demeures,
des lieux fermés
au public ; le programme que proposent les deux villes voisines
de Commercy et Saint-Mihiel est attrayant.
Notre bon roi Stanislas parachuté en Lorraine par son Louis XV de gendre,
fut aimé de ses sujets (dixit les livres d’histoire) et couvrit le duché
de Lorraine de superbes monuments :
notre grandiose place Stanislas à Nancy, le château de Lunéville véritable
petit Versailles
et l’extension du château de Commercy.
Commercy plus connue pour ses célèbres madeleines, recèle un beau
patrimoine
que l’on découvre en parcourant les rues et ruelles qui sont jalonnées à
chaque endroit remarquable par des bornes d’informations historiques et
architecturales.
Après la forêt, l’allée des Tilleuls mène à la place du Fer à Cheval,
jadis spécialité de la ville,
qui précède la cour du château abritant hélas différents services
municipaux.
Les jardins jadis agrémentés de folies et autres pavillons, d’un grand
canal et des nombreuses fontaines, ont été rasés sur ordre de Louis XV
après la mort de Stanislas ;
le roi aurait-il été jaloux de la popularité de son beau-père auprès de
ses sujets ?
Les canaux des Forges et des Moulins coulent au pied des imposantes tours
et soubassements médiévaux et apportent un côté bucolique à la promenade.
En passant par une poterne, nous rejoignons la place des Chanoines jadis
appelée place
Dom Calmet et ornée d’un buste du saint homme déposée durant la seconde
guerre au profit
de l’occupant allemand en quête de métal à fondre.
Une magnifique fontaine-sculpture de Zanonni la remplace depuis quelques
années ;
elle célèbre les forgerons et les tréfileurs de la cité.
Plus loin l’école de musique installée dans un beau bâtiment, accueille
l’office de tourisme
où une charmante dame officie avec efficacité.
Sur la place, une petite merveille attire l’œil : une pharmacie, oh il n’y
aurait pas de quoi
se pâmer au sujet d’une devanture d’officine si elle n’était de style «
Ecole de Nancy ",
les boiseries, les portes agrémentées d’arabesques en fer forgé sont
d’origine.
Mais la surprise est totale en franchissant le seuil ; l’intérieur est
intact ; les boiseries recouvrent tous les murs agrémentés de belles
vitrines où s’alignent des dizaines de pots de verre bleu contenant jadis
des plantes ou des préparations médicinales, de belles faïences au décor
bleuté ornent certaines étagères qui sont coiffées par le nom d’illustres
inventeurs et pharmaciens
dont Pasteur.
Les présentoirs et le comptoir sont d’époque, reprenant eux aussi les
décors floraux,
tout en courbes caractéristiques du style Art Nouveau.
La porte menant à l’arrière boutique est une belle œuvre d’un célèbre
maître verrier,
dont j’ai oublié le nom.
Le pharmacien a su laisser la merveille dans son « jus » et son activité
actuelle
se fait fort discrète : point de publicité, seulement quelques boîtes de
médicaments
tout juste visibles. Une réussite, à voir absolument !
De l’autre côté du château, un quartier plus ancien se love près de
l’église Pantaléon
qui possède de belles statues encore peintes dont une Vierge à la longue
robe rouge
et au long voile étoilé d’un bleu profond, ainsi que de belles orgues.
Les petites rues aux noms évocateurs et nostalgiques (du Vieux Four, des
Bains,
du Puits Robinot, des Vénérables, Val des Prés, de la Paroisse, des Juifs)
ont conservé
ça et là des éléments architecturaux datés au plus du XIVème : escaliers,
tourelles, encadrements de porte, façades.
Dom Calmet a retrouvé une place qui porte son nom et une nouvelle statue
érigée
sur ce qui fut jadis le cimetière des Pauvres.
Avenue Carcano, ne pas manquer le bâtiment Bains-Douches construit au
début du XXème siècle sur les plans du Château-d’Eau construit jadis dans
les jardins du château de Stanislas. L’édifice a perdu sa vocation
première mais accueille discrètement un cinéma et un musée
qui n’altère nullement la façade ornée d’une belle fontaine. Le musée de
la Céramique
et de l’Ivoire est un legs d’un fortuné habitant de la ville. (nous
n’avons pas visité).
Le Prieuré du Breuil peut compléter la visite de cette ville endormie sur
les rives de la Meuse.
Un véritable coup de cœur pour Commercy baignée par le soleil de
septembre.
Nous descendons le cours du fleuve pour rejoindre Saint-Mihiel
(prononcer Miel … comme
la douceur) fondée vers 815 par une communauté bénédictine installée
depuis une centaine d’année sur un mont à proximité, le mont Saint-Michel
d’où le nom de la ville bâtie sous
la protection du célèbre archange à l’épée et à la balance servant à peser
les ââââââmes !
Les immenses et majestueux bâtiments abbatiaux abritent à présent l’office
de tourisme,
un Musée d’Art Sacré (jadis prison) où crucifix en tous genres et toutes
matières (marqueterie
de marbre, cristal, bois, argent et ivoire), calices, ciboires, patènes,
boites à hostie, burettes, encensoirs, ampoules aux saintes huiles,
baisers de paix, ostensoirs, monstrances, tabernacles et stalles, côtoient
de belles pièces de crèche ainsi que des sculptures polychromes provenant
des églises de la région. Saint Nicolas, patron de ma Lorraine d’adoption,
y a une place
de choix toujours représenté avec sa crosse, sa mitre et les trois enfants
qu’il sauva
du saloir et d’une mort certaine.
Toujours dans les bâtiments de l’abbaye, le Tribunal d’Instance a conservé
sa salle d’audience en arc de cercle et son mobilier de bois.
A l’étage on visite la Bibliothèque Municipale et son Fonds Bénédictin.
Hélas pour des raisons de conservation de près de 9.000 livres entreposés
dans la grande salle, on ne visite plus
que « l’antichambre » belle salle carrée où l’on peut voir quelques
exemplaires des 74 manuscrits (du IX au XVIème siècle), des 86 incunables
(livres édités au début de l’imprimerie)
et des 1.150 ouvrages du XVIème.
On peut admirer derrière des portes vitrées l’immense salle longe de 50m
qui constitue
la Grande Bibliothèque et ses chefs d’œuvre rangés sous 5m de plafond.
L’église abbatiale Saint-Michel jouxte les bâtiments abbatiaux, elle était
autrefois reliée au cloître qui malheureusement a été en partie muré …
Napoléon III donna l’ordre de percer les bâtiments pour faire passer la
route de Nancy, ce qui explique que l’ensemble s’étend de part et d’autre
de la chaussée. Elle possède un magnifique ensemble de 80 stalles
sculptées en parfait état. Etrangement, en plus des orgues surplombant le
porche d’entrée du XIème siècle ,
un magnifique buffet d’orgues trône au fond du cœur qui possède toujours
80 magnifiques stalles des moines qui pouvaient d’ailleurs s’asseoir
légèrement sur les miséricordes
(saillies fixées au siège) sans quitter, en apparence, la position
verticale !
Une œuvre en noyer de Ligier Richier, enfant du pays, « La Pâmoison de la
Vierge »
soutenue par Saint Jean est installée dans une chapelle.
Quittant l’ensemble monastique, nous grimpons vers la Promenade des
Capucins,
colline surplombant la ville où une compagnie médiévale campe dans des
tentes ancestrales, tout en festoyant dans de la vaisselle d’époque.
Le marché couvert datant de 1902 et typiquement Art Nouveau, a été
restauré et débarrassé
des ajouts disgracieux qui le dénaturaient. De style « Eiffel » en
structure métallique, il est orné dans les écoinçons de superbes grappes
de fruits et légumes colorés et appétissants :
très joli, très frais et un vrai … régal !
Eloignons nous du centre monacal pour parcourir la rue Raymond Poincaré
riche en belles demeures datant du XVIIIème siècle. Les Hôtels Bousmard et
Faillonnet sont hélas fermés
cette année au public, mais leur façade est un vrai bonheur.
Au 2à de la rue, nous découvrons l’habitat typique du Bourg de
Saint-Mihiel : trois corps de logis en enfilade. Le premier bâtiment, une
belle maison bourgeoise donne sur la rue et possède un bel escalier de
pierre ; une belle cour pavée communique avec un logis Renaissance
possédant lui aussi un escalier à vis et un « potager » pour tenir les
plats au chaud.
Traversant un petit jardinet, sa treille et ses plantes aromatiques, nous
débouchons sur l’usoir (typiquement lorrain) qui donne accès à un bâtiment
modeste comprenant un four à pain,
un « cumulus » chauffé au bois au rez-de-chaussée et des chambres de
bonnes à l’étage.
Pas très pratique à vivre ce genre de logis !
Durant le règne de Stanislas, le Roi Louis XV fit stationner des troupes
dans la ville qui était dépourvue de caserne. Nicolas Digout, traiteur
tenait alors la pension des officiers ; on ne sait
si ce sont eux qui firent construire un délicieux pavillon dans le jardin
de l’Hôtel de Mandres.
Cet élégant pavillon surmonté de balustrades sculptées, appelé le «
Trianon » garde
une part de son mystère.
Couronné d’un beffroi, l’ancien Hôtel de Ville fut construit dans le plus
pur style Louis XVI
et est remarquable par son ancienne salle des Mariages recouverte de
boiseries de chêne, recouvertes de deux magnifiques tapisseries des
Gobelins qui auraient bien besoin
d’une restauration.
Continuant notre ballade à travers les siècles, nous « accostons » au
XVIIème siècle
devant l’Hôtel de Rouÿn qui est toujours resté dans la famille,
légué de génération en génération par les femmes.
Le porche surmonté d’une coquille symbole de la pureté, entourée de quatre
sphères symboles de l’universalité de la connaissance, débouche sur une
belle cour rectangulaire pavée de galets de rivière. La façade est
d’origine et n’a pas subi de modifications depuis sa construction.
Le mari de la propriétaire, lui-même issu d’une illustre famille, nous
invite à une visite des salons, salle à manger, chambres et cuisine. Ce
joyau n’est pas un lieu de vacances, il est leur résidence, l’endroit est
vivant, gai et fort plaisant. Les jardins donnant jadis sur la Marsoupe,
ont été expropriés lors de la construction de la route de Nancy.
Magnifique et bucolique !
Poussons vers l’est, et entrons dans l’Hôtel de Gondrecourt en piteux
état, qu’un particulier
vient d’acquérir et essaiera de restaurer : très belle façade et escalier
monumental.
Le quartier, en opposition avec le monastère, est animé par l’église Saint
Etienne abritant
un chef d’œuvre majeur de Ligier Richier : « le Sépulcre » est un groupe
de treize personnages un peu plus grands que nature, et représentant une
Mise au Tombeau du Christ : MAGNIFIQUE !
Il est temps de rentrer au Bouli, et de nous reposer un peu de quatre
heures de découvertes,
de surprises et de bonheur de voir autant de merveilles dans nos petites
villes de province.
Ce soir, le spectacle continue dans cette église, comme dans seize églises
de la région,
où auront lieu des concerts d’orgues. La Lorraine est riche de mille
orgues sur les sept milles que comptent le pays. ; le patrimoine
organistique est exceptionnel ; soixante sont protégés
par les Monuments Historiques. Pourtant les allemands ont détruits bon
nombre de ces tuyaux pour les fondre et récupérer le précieux métal.
Anne-Catherine Bucher a créé le Concert Lorrain pour mettre en valeur le
patrimoine musical régional, ensemble de spécialistes de la musique
baroque et ancienne. Entourée de trois choristes, deux violonistes, deux
flûtistes, d’une viole de gambe, elle interprète avec brio,
tantôt au clavecin ,tantôt aux orgues, un beau récital assez inattendu
pour nous qui ne sommes pas connaisseurs. Nous n’accrochons pas au premier
morceau que nous trouvons long et …
je ne sais quoi …
Mais au fil des interprétations, nous sommes conquis et
c’est avec regret
que nous quittons cet événement et cette initiation à la musique baroque ;
non sans avoir applaudi à tout rompre l’ensemble qui nous a offert un
dernier morceau : GRANDIOSE, EMOUVANT et ENVOUTANT.
Allez, ouste au dodo … nous nous endormons au son de la musique d’un
siècle lointain.
Dimanche 22 septembre
Ce matin pour parfaire la visite de la ville, nous rejoignons ce qui reste
du Couvent des Minimes. Doté d’une bibliothèque de 1.200 volume, le
couvent prospéra au XVIIème siècle,
mais comme beaucoup d’autres, fut vendu pendant la révolution.
Un artiste potier allemand s’est installé dans une maison attenante à ce
qui reste des bâtiments des religieux : la nef sud, la galerie ouest du
cloître et les fenêtres des cellules des moines.
Cet après-midi, nous devons assister à un spectacle intitulé « Les génies
du lavoir » au lavoir
de Saint-Aignan-sous-les-Côtes mais malheureusement nous ne pouvons
pas y garer le Bouli
et nous partons vers le gayoir d’Heudicourt-sous-les-Côtes. Et nous
découvrons ce qu’est
un gayoir : un vaste bassin comme un lavoir mais plus grand, et incliné
d’un côté
pour que le bétail rentrant des champs puisse se laver les pattes afin de
ne pas ramener
à l’étable de parasites, maladie …
Celui d’Heudicourt est superbe, de forme oblongue, pavé de belles pierres
blanches de Meuse, et est toujours en eau, cela me fait penser aux
lavognes du Larzac.
Autour, une aire de pique-nique, des jeux pour enfants,
un petit pont, font de cet endroit un lieu d’étape.
Sylvie Surmely. . |