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Eglises fortifiées en Meuse..
Vendredi
4 avril
Sylvie a pris une récup', Philou rentre plus tôt, c'est décidé depuis
une semaine,
nous partons pour 2 journées pleines, pour une destination inconnue
jusqu'à hier,
mais qui se précise aujourd'hui : direction le nord du département
voisin et ami, la Meuse !
Les églises fortifiées attirent Sylvie, celle de Ribeaucourt dans le sud
meusien avait enchanté Philou lors d'une balade dans la vallée de la
Saulx; celles du nord devraient nous ravir ...
Difficile sortie de Nancy un vendredi, aggravé par le nouveau plan de
circulation induit par le tram énorme c……. de la municipalité, mais
chuuuuuuut, ce n'est pas politiquement correct de le dire.
Nous voulons dormir à Woël, petit village sur la grand'rue vers
Verdun qui possède une charmante église fortifiée déjà visitée il y a 1
ou 2 ans.
Hélas, trois fois hélas, s'il est aéré, le bourg se présente comme un
village-rue,
comme tant de ses semblables départementaux; nous ne trouvons pas de
place pour la nuit.
Le vaste espace devant chaque maison qui se nomme usoir, et qui servait
jadis à entreposer
le fumier, le bois, les charrues, est désormais recouvert d'une belle
pelouse verte,
et donc inaccessible aux voitures.
La carte est vite regardée, et c'est vers Jonville-en-Woëvre que
nous roulons; mais celui-ci
a le même inconvénient que son voisin : de l'espace herbeux devant les
maisons,
mais point de parking pour notre Bouli.
Traversant Hadonville-les-Lachaussée, l'église et une ruine
élégante d'une chapelle forment
une carte postale bucolique, mais aucun endroit pour dormir cette nuit.
Essayons à Lachaussée, célèbre pour ses étangs, sa pêche
"miraculeuse" et dégustation
en novembre qui a lieu au centre des Paralysés de France, dans les
étangs environnants.
Ce soir, il est dit que nous n'avons pas de chance et que l'implantation
des bourgs
de la Woëvre n'est pas faite pour les camping-cars.
Bon, en dernier lieu, il reste le parking de Saint-Benoit-en-Woëvre
que nous avons déjà fréquenté sur la route qui mène aux Ardennes.
Seules trois remorques pleines d'énormes fûts d'arbre, sans doute
abattus par la tempête
de 1999, seront nos compagnes nocturnes.
Un bon petit repas est pris, arrosé de vin de Moselle … luxembourgeoise
: un petit Rivaner, entre Riesling et Sylvaner, heureux travail de Roby
un collègue de Sylvie qui après son travail
à la banque court dans ses vignes : un vrai passionné, passionnant,
amoureux de sa terre
et de ses produits.
Et hop au lit.
Samedi 5 avril
Les oiseaux nous réveillent, ils piaillent de bon cœur, sans doute pour
célébrer le soleil
qui pointe ses rayons sur la campagne meusienne.
En route pour la charmante église de Woël que nous voyons depuis
25 ans lors de nos aller-retour vers les Ardennes et la famille.
D'ailleurs le parcours que nous allons effectuer, suit de loin
  la route
qui relie Nancy, Verdun et Charleville-Mézières que nous ne faisons
qu'emprunter sans trop jamais nous arrêter; cette fois-ci, nous allons
faire du tourisme sur notre route de transit.
La plaine répond au doux nom de Woëvre, elle s'étire au pied des Côtes
de Meuse où
un vignoble a survécu aux maladies et où notre ami Philippe Antoine
produit, entre autre,
un petit vin gris délicieux à souhait et le Col de Velours, méthode
champenoise,
qui nous accompagne dans tous nos voyages au long cours.
La Woëvre est agricole, grasse, bucolique avec ses bosquets, ses
vergers, ses petits vallons, ses villages rues, ses fermes fortifiées,
un vrai petit paradis de campagne.
Pourquoi des églises fortifiées en Meuse ?
Au Moyen Age, les châteaux devant servir d'asile aux serfs, sont souvent
trop éloignés des villages, et les églises deviennent des lieux de
refuge pour la population locale.
L'église est, selon la législation romaine en vigueur, un lieu
inviolable qui échappe à toute juridiction temporelle. Elle se
transforme donc en bâtiment de défense au fil du temps,
des guerres et des attaques.
Le Nord et l'Est de la France sont des zones tampons entre le Royaume
Franc et l'Empire;
des enclaves et des seigneuries secondaires se disputent les terres; les
églises deviennent
de fait, des édifices défensifs.
D'ailleurs, nous allons bientôt partir à la découverte des églises
fortifiées de Thiérache;
ce périple complétera notre parcours meusien et nous amènera quelques
siècles en arrière lorsque les paysans devaient vivre de longues
périodes d'insécurité comme : la guerre entre
la France et l'Empire, les guerres de religion, la peste, la famine et
la guerre de Trente Ans et … pour finir, la Fronde !
La chance est avec nous, le gardien désigné "volontaire d'office", car
voisin, vient juste d'ouvrir l'édifice, son berger allemand nommé Doggy,
fougueux, sympathique et joueur trouve en Sylvie une lanceuse de bâton.
Et nous entamons la conversation; l'homme a visiblement envie de
nous faire partager sa passion pour le bâtiment. Il commence par nous
parler des 4 vols déjà constatés : Vierge aux Fleurs, le tonneau d'un
saint et trois habits sacerdotaux,
les voleurs étant même allés jusqu'à démonter les vitraux pour entrer
par effraction.
Une belle Piéta qui ornait le portail de la tour-porche a du être
rentrée dans l'église pour échapper aux … brigands du 20ème siècle !
Voyant que nous sommes passionnés par ses explications, il nous raconte
qu'un spécialiste
de l'Ordre des Templiers est venu un jour avec un ami pour lui "lire"
l'église; il est vrai que le village voisin ne nomme
Doncourt-aux-Templiers et fut une possession de l'Ordre.
La courte nef à trois travées semble biscornue et de guingois; en fait
lorsqu'on chemine
dans la nef de la gauche vers la droite, on commence par une voûte basse
sans ouverture,
puis la voûte se rehausse un peu et une petite ouverture vient éclairer
chichement nos pas,
puis encore une zone d'ombre, on retourne dans le noir, puis chacun de
nos pas nous fait entrer sous une voûte de plus en plus haute, élancée,
majestueuse et de plus en plus éclairée,
pour finir le parcours dans la Lumière !
Nous sommes dans un chemin d'initiation, nous partons de l'ignorance
pour aller
vers la Connaissance :
DINGUE et PASSIONNANT !
Chaque ouverture orpheline de ses vitraux, possède un dessin différent
et donc une signification bien précise; l'église est un ensemble de
codes, alphabets, messages réservés aux initiés,
un vrai bonheur que le gardien nous transmet; mais il regrette de ne pas
avoir enregistré
cet "historien" car il a oublié beaucoup de chose. Il nous fait part
d'une foule de détails,
nous fait remarquer une croix templière, nous montre les 7 vitraux du
chœur qui sont orientés vers des points précis et connus des hommes de
l'Ordre.
Ici encore, un rond dans une fleur; là des inscriptions sur le flan de
l'église.
Comme la précédente fois, nous traversons la sacristie, montons dans le
clocher orné de son hourd : organe de défense en bois construit en
surplomb au-dessus d'une tour ou d'une courtine, pour permettre d'en
battre le pied.
Ayant gravi l'escalier en bois, baissé la tête pour éviter les poutres,
contourné les 3 grosses cloches, enjambé la charpente trapue, nous
"atterrissons" sur le débord au-dessus du vide, quelques planches se
sont envolées par un soir de grand vent, et le gardien doit les
replacer,
si nous ne voulons pas tomber dans le vide !
Des fenêtres de tir aux volets coulissants permettaient de tirer sur
l'ennemi et les lattes du plancher du hourd étaient ôtées pour déverser
sur l'assaillant toute sorte de chose pour le ralentir, le tuer ou le
blesser : au choix !
La campagne s'étale à nos pieds, et nous pensons que les inventeurs de
ce système de défense, avaient bien pensé à la protection des pauvres
âmes des paysans du Moyen Age.
En redescendant nous parcourons les combles surélevés qui abritaient les
villageois lors des attaques, elles se trouvent au-dessus de la nef qui
accueillaient le bétail et les biens à mettre hors de portée des
assaillants.
En faisant le tour de l'église Saint Gorgon, nous découvrons quelque
pierre tombale qui donnerait accès à une crypte ou une chapelle (dixit
l'érudit spécialiste des Templiers).
Nous adorons ce genre de rencontre, enrichissante et spontanée,
il nous
faut partir à la rencontre
d'autres lieux sacrés.
C'est fou, cette petite église fortifiée qui faisait dire à Sylvie
depuis 25 ans qu'il fallait aller la visiter … un jour, comme elle livre
ses secrets, comme elle devient magique,
comme elle livre un peu de ses
mystères et comme en même temps, elle devient plus mystérieuse (paradoxe
!). Mais n'est-ce pas voulu par ses constructeurs,
Ordre puissant, connu
et mystérieux à la foi.
Toute l'énigme reste entière …
Au nord, à quelques kilomètres d'ici, une autre église mérite une
visite, celle de Pareid.
 
Elle possède, elle aussi, un magnifique hourd de bois surplombant la
tour-clocher.
Le village est agréable, comme ses voisins, larges rues avec leurs
usoirs devant les habitations.
L'église a fière allure, elle pointe son clocher vers le ciel et Dieu;
elle est très élégante, fine, belle et racée et contraste avec celle de
Woël, trapue, massive et enracinée en terre.
Le bâtiment est fermé, où trouver la clé ?
Un jeune collégien passe dans la rue : il faut aller chez Môôôôsieur le
maire, le notâââââble
du village qui habite la maison blanche.
Ah, il est là le fermier-maire, il hésite à donner la clé à Sylvie,
mais
celle-ci arrive en parlant à lui faire donner ce sésame qui ouvre
l'édifice.
Elle doit avoir une tête d'honnête femme ?
Il n'y a qu'une petite nef et un chœur minuscule, mais un escalier de
pierre en colimaçon
mène au clocher.
Philou n'y accédera pas, ni Sylvie, l'échelle sous la cloche donne accès
à une autre échelle … Non, non, non, nous n'y grimperons pas : trop
risqué.
L'attrait vient de l'extérieur, de l'élégance de la construction, de sa
situation, de l'environnement.
Quittons la Woëvre pour traverser la "Côte", franchir la Meuse qui
commence à grossir mais reste
paresseuse et musarde dans le creux des vallées.
encore en Meuse
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